Hommage à R. Farré
Article mis en ligne le 13 février 2010
dernière modification le 18 février 2010

Mercredi 17 février, une foule nombreuse est venue accompagner Raymond Farré. L’église Notre Dame, bien que très vaste n’a pu accueillir tous ses nombreux amis. Merci à tous...

Ceux qui désirent laisser un message peuvent encore le faire ci-dessous. Merci !...

Raymond, cher Raymond,

Toi qui n’eus de but dans la vie que la recherche du bien pour autrui, sais-tu qu’aujourd’hui tu nous fais du mal ? Et quel mal ! La déchirure cruelle de ta disparition laisse à tous ceux qui t’ont connu, apprécié, aimé, la brûlure terrible d’une plaie qui ne pourra jamais se refermer et que, seuls, les souvenirs multiples de ta vie pourront, peut-être, apaiser. Car tu as eu la vie formidable que tu méritais, toi l’enfant de Joseph et Marie, ce couple de travailleurs espagnols bien modestes mais qui te laisseront le plus beau des héritages, celui des valeurs sur lesquelles tu ne transigeras jamais et qui serviront de socle indestructible à ta vie : respect et amour des autres, tolérance, intégrité, fidélité et, par-dessus tout, travail, travail, travail.
Tes parents, dans leur rude pays des Pyrénées espagnoles, savaient que, sans ces qualités, il n’y avait pas d’avenir possible, pas de lendemain meilleur.
D’ailleurs, ces montagnes te faisaient rêver et il y a encore peu de temps et parce que la maladie t’avait accordé un ultime répit, tu as pu, comme en une sorte de pèlerinage, revoir Cerler, le village berceau de ta famille, le pic Gallinero, l’Aneto, le lac Batissielles, le refuge d’Estos. Tu en étais revenu les yeux émerveillés et le cœur content d’avoir pu arpenter ces chemins qui faisaient le quotidien de tes parents, des parents qui vont émigrer parce qu’ils pensaient peut être que la vie serait moins dure de l’autre côté des Pyrénées.

Tu es né à Ste-Foy-La-Grande, mais c’est à Pellegrue que tu vas passer ton enfance, plus précisément au lieu dit « les Baudets », un nom presque terriblement révélateur puisque tu y verras ton père travailler sans relâche à la manière d’une bête de somme. En aura-t-il défriché Joseph, défoncé à la main de ces terres souvent ingrates ! Tu puiseras largement dans cet exemple de courage.
Te voici maintenant titulaire du certificat d’études, ce diplôme sans équivalent qui mettait en effervescence tout un village, mieux encore, tout un canton, et, comme par une sorte de prédestination, alors que ton père se prénomme Joseph, tu choisis d’être menuisier-charpentier. Tu vas te montrer un apprenti particulièrement appliqué et valeureux dans l’entreprise d’André Poulange de Pellegrue que tu quitteras, l’expérience acquise, pour les ateliers Gianello à Duras. Tu conserveras cependant avec ton entreprise formatrice des liens très étroits et notamment avec Armand, le fils, plus connu sous le nom de Kiki, avec lequel tu vas tisser une véritable fraternité, les joies ou les peines de l’un étant celles de l’autre.

L’armée aura besoin de toi et t’appellera, comme l’on dit, de 1965 à 1967. Par chance, tu ne t’éloigneras pas des tiens puisque c’est à Mérignac, à la base aérienne 106 que tu effectueras ce service à la fois militaire et civique où tu supporteras sans souffrance aucune la rigueur parce que c’est aussi l’une de tes qualités, rigueur sans laquelle tu n’aurais pas pu t’installer à Gensac, ce que tu fais en 1966. Te voici artisan, le but d’une vie, un métier que tu vas remplir avec une rare application car tu sais que dans le mot artisan, il y a le mot art et on ne transige pas avec l’art. Tu aimes le beau, ta vie publique le démontrera de multiples fois, ta vie professionnelle aussi.
Mais si tu aimes bien la varlope, le bouvet, le rifloir, ces compagnons fidèles de l’atelier, tu aimes aussi Marie-José et tu vas l’épouser en 1971. Sébastien, Manu, Mathieu et Vincent viendront successivement vous apporter le bonheur que vous méritez, quatre enfants extraordinaires dont l’exemplaire entente, la formidable complicité feront ta fierté et celle de Marie-Jo.

Le dimanche te verra sur les terrains de football, ce beau terrain que Raymond David, ton prédécesseur à la tête de la mairie, avait fait construire. Mais vois-tu Raymond, on n’échappe pas à son destin. De ta carrière de joueur, on retiendra l’homme respectueux des lois du jeu, respectueux de l’adversaire, respectueux de l’arbitre. Tu présideras par la suite l’U.S.G. pendant vingt ans et, avec Jacques Castay, fidèle ami lui aussi, tu en feras un club exemplaire en mettant le stade aux normes, en l’équipant de tribunes, en le dotant de vestiaires confortables. Dans ce domaine aussi, tu entretiendras les meilleures relations avec les dirigeants d’autres clubs, Marcel Berthommé entre autres.

Mais cette vie publique et sportive, si elle comble tes moments de loisirs, ne te suffit pas. Te poursuit maintenant cet irrépressible besoin de faire plus encore pour les autres. C’est ainsi que, des 1983, tu seras un conseiller municipal écouté parce que tolérant et respectueux de toutes les opinions. Comment pourrait-il en être autrement ? Tu es un militant socialiste ardent, tu as des adversaires – et c’est bien normal – mais tu n’as pas d’ennemi. Qui donc, d’ailleurs pourrait se targuer de ce mot que tu as chassé à tout jamais de ton vocabulaire ?
Tu seras l’adjoint efficace de Raymond David de 1989 à 1995 et cette année là te verra accéder à la fonction de maire.
Oui Raymond, toi l’enfant aux yeux clairs des montagnes pyrénéennes, te voila maire, Maire de Gensac ! Et tu le resteras jusqu’à ce que la mort aux doigts crochus ne te ravisse au respect de tes administrés et à l’affection des tiens.
Tu vas au cours de cette période, hélas bien trop courte, mettre en œuvre tes extraordinaires qualités de rigueur, de patience, d’organisation, d’écoute, de respect et celle peut être qui constituait ton jardin secret, tes qualités d’esthète. Tu aimais le beau sous toutes ses formes, tu as rêvé d’un beau village.
Sois en paix Raymond ! Tu as réussi au-delà de toute espérance. Pas un seul de tes administrés n’a jamais contesté cette évidence : Gensac, sous tes mandatures, est devenu un village merveilleusement beau. De la rénovation du vieux quartier à la complète transformation du centre, tout a été pensé en termes de beau, sans que, pour autant, ces travaux ne forcent à oublier le passé. Que d’efforts, de démarches, de dossiers, en un mot que de passion et d’énergie t’a-t-il fallu déployer pour réussir cet incroyable projet !
Tu l’as fait, peut être au-delà de ce que tu espérais, parce que tu en eu la volonté ; la volonté, cette qualité sans laquelle il n’y a pas de réussite possible, pas d’avenir digne de l’Histoire. De la même façon, curieux et cultivé comme tu l’étais, tu doteras Gensac d’une médiathèque parce que l’acquisition de savoirs multiples était pour toi un gage de réussite ultérieure. Merveilleuse médiathèque où livres, expositions, conférences témoignent de cette volonté acharnée qui était la tienne : rendre l’homme meilleur.

Sois tranquille Raymond ! Au moment de notre séparation, pas un seul regret ne doit affecter ton ultime voyage. Ce que tu as fait de ta vie, de ta famille, de ton village, seuls les grands peuvent le faire.
Et- toi, tu étais un grand parce que tu l’as fait !